L'itinéraire.

Sebastian soupira longuement. Depuis plusieurs jours, il longeait une vaste étendue d’eau derrière laquelle s’étendaient d’immenses terres de glace. Et cela ne lui plaisait pas du tout. Malgré l’engouement naturel de Michael à se retrouver près de son milieu naturel, la présence de ce fleuve ne pouvait signifier qu’une seule chose : Il s’était trompé d’itinéraire.

Quelques jours plus tôt, Sebastian et son pokémon avaient séjournés dans la petite ville d’Incpiron. Leur passage s’était résumé à une nuit passée dans un hôtel, le tout financé par l’église de la ville. C’était là l’un des rares avantages de la vie de clerc : on n’avait pas besoin de s’inquiéter de ses finances : on pourrait toujours emprunter de l’argent à l’église, tant que cela restait dans les limites du possible. Le réconfort qu’ils avaient éprouvés en sentant la douceur de leur couche et la chaleur de l’eau les avait menés au 7eme ciel. Enfin, façon de parler.
Ils avaient cependant dû reprendre leur route à l’aube du lendemain, l’esprit embrumé par le sommeil, mais remplis de la motivation de bientôt arriver à Merelda, pour enfin ahever ce qui n’aura été qu’un court mais difficile périple.
Et ils se mirent à marcher. Et sans y faire réellement attention, ils se dirigèrent vers le nord-ouest.
Merelda se trouvait au sud-ouest.

Sebastian s’était rapidement aperçu d’un problème, lorsqu’ils étaient arrivés face au fleuve, mais ne connaissant pas totalement la géographie de Megalelion, il n’y avait pas fait attention, se disant qu’ils s’étaient juste un peu écartés de leur route d’origine. Sauf qu’ils s’étaient écartés jusqu’à rallonger leur voyage de plusieurs semaines. Et tout cela ne plaisait pas du tout au jeune clerc. Il avait cependant décidé de continuer sur la même route, voyant que Michael gardait perpétuellement un air enjoué. Cela allait contre toute logique, mais bizarrement, le jeune homme aimait voir son pokémon sourire. Peut-être était-ce parce qu’il se sentait coupable de l’avoir arraché à son foyer. Ou peut-être était-ce simplement parce qu’il avait fini par développer un lien d’amitié avec son pokémon. Cela lui semblait étrange, lui qui n’avait jamais été réellement proche de quelqu’un, mais c’était cependant une impression très agréable.

Et désormais, il continuaient de marcher tout droit, ne sachant réellement où aller. D’après les vagues souvenirs géographiques de Sebastian, ils se trouvaient dans la province de Blinh, et si ils continuaient leur périple, ils arriveraient bientôt dans une ville où ils pourraient se reposer. Tout du moins… Si tout allait bien. Et bizarrement, il sentait que ça n’irait pas bien. Deux choses l’alertaient. Tout d’abord, il avait depuis quelques temps développé un genre de 6eme sens pour les problèmes. Son dos se mettait à frissonner lorsqu’on le regardait de trop près, ce qui arrivait très souvent, les gens le dévisageant à cause de sa bure cléricale.
La seconde chose qui l’alertait était que Michael s’était arrêté, et qu’il regardait derrière eux, l’air prêt au combat. Ce qui ne signifiait qu’une chose : un pokémon les avait trouvé assez appétissants ou trop agressifs, et avait décidé de couper court à leur repos. Finalement, il aurait peut-être mieux fait de choisir de faire demi-tour...
Sebastian se retourna, et vit alors…

L’attaque de Michael avait brillamment réussit. La force de frappe du félin cumulée à sa vitesse et la faiblesse naturelle du Scorplane pour la glace, tout avait marché. Sauf que, contrairement aux espérances de Sebastian, le pokémon adverse était toujours en vie, et il semblait plus en colère que jamais. De plus, l’état fanatique du Farfuret le fatiguait énormément, et plus cela durait, plus le contrecoup serait terminé une fois le combat terminé. Mais peut importait : il fallait juste qu’il soit suffisamment en forme pour pouvoir assener un coup fatal à son adversaire qui semblait tout de même avoir été bien amoché. Et vexé, aussi. Il cherchait des yeux son ennemi qui était parti s’abriter derrière une pierre au loin, afin de s’abriter d’une éventuelle attaque, mais le Scorplane ayant une vue aérienne, et faisant des allers-retours dans tous les sens, il ne tarderait pas à le débusquer. Sebastian devait réfléchir, et vite, sans quoi le Farfuret devrait se débrouiller seul, et il ne l’avait encore jamais fait.

Remuant se cervelle, Sebastian pris en compte différent éléments : Le Scorplane étant en l’air, il avait deux possibilités d’attaques. Soit une attaque physique en piqué, soit une attaque à distance. De plus, Michael étant un pokémon ne pouvant se déplacer que sur terre, et ayant une puissance de combat à distance très restreinte, il ne pouvait lancer d’attaque directe, sans quoi le Scorplane riposterait in extremis, ce qui pourrait être fatale.
Il fallait don attendre qu’il attaque, et riposter. La trajectoire la plus avantageuse pour une riposte était verticale, de toute évidence. Le plan était donc simple.
Se tournant vers le rocher où s’était abrité son pokémon, Sebastian se mit à hurler :

« Michael ! Ecoutes-moi, tu vas sortir de derrière ce rocher. Essayes de te positionner en dessous du Scorplane, d’accord ? Et même si il se déplace, tu le suis ! Après, tu vas le provoquer, je ne sais pas comment ça marche chez le pokémons, mais bon… fais une grimace, ou quelque chose dans le genre. Si il se met à t’envoyer des projectiles ou à t’attaquer à distance d’une autre manière, tu esquives toujours, et tu continues de l’énerver. Il devrait être tellement en colère qu’il t’attaquera tête baissée. A ce moment là, tu esquives au dernier moment, et juste avant qu’il touche le sol, tu le frappes de toutes tes forces ! »

Obéissant directement aux ordres de son maître, il sortit à toute vitesse de sa cachette, et repérant aisément son ennemi qui hurlait de rage, partit se positionner sous lui, le suivant dans la course folle. Il fallut cependant un peu de temps au Scorplane pour se rendre compte que sa cible était juste en dessous de lui, ce qui le mit encore plus en colère. Et pour couronner le tout, le Farfuret lui fit une grimace digne d’un gamin de 5 ans, la narguant de plus belle.
Au faîte de sa colère le Scorplane hurla, et…

Le plan n’avait pas du tout marché comme prévu. Le Scorplane, toujours en colère, s’était faufilé derrière Michael, et celui-ci l’avait totalement perdu de vue ! Il allait se faire déchiqueter… Sebastian eut à peine le temps de hurler le nom de son pokémon que l’adversaire abattait ses pinces sur sa victime. Fort heureusement, le Farfuret réagissant d’instinct, il se retourna et para de ses griffes les pinces de son agresseurs. Prenant appui sur le sol, il bondit au dessus de son adversaire, et lui planta ses griffes dans le crâne, lui laérant le corps avec ses pattes antérieures.
La sauvagerie de son attitude étonna Sebastian, qui ne le connaissait pas si brusque. Mais cela s’avérait très efficace. Comme quoi, il ne fallait pas toujours compter sur des plans élaborés, mais parfois se fier à son instinct…
Le Scorplane déséquilibré tomba au sol, effectuant divers roulés-boulés avec son adversaire pour s’en défaire, ce qu’il réussit finalement à faire. Le Farfuret éclaboussé de sang se remit en garde face à son adversaire qui s’enfuit finalement, prenant ses jambes à son cou et repartant à tire d’aile vers les montagnes avoisinantes. Le Farfuret soulagé que le combat soit enfin terminé sortit doucement de son état de fanatisme, et, exténué, alla s’écroulé devant son maître en arborant un sourire victorieux. Sebastian le caressa, malgré le sang qui maculait son pelage, et le mena jusqu’à la rivière avoisinante afin de laver son compagnon qui s’était endormi. Ce coup-ci, il avait vraiment fait preuve d’une grande bravoure, et il grandissait peu à peu en force et en courage.
Une fois la toilette accomplie, il fit rentrer son compagnon dans sa pokéball pour la première fois depuis le début de leur périple, afin de pouvoir continuer sa route.

Tout en marchant Sebastian se remit en cause. A cause de son plan trop alambiqué, Michael avait failli être gravement blesser. Cela voulait dire qu’il fallait peut-être qu’il arrête d’être aussi stratège, et parfois se lancer tête baissé dans la bataille… quoi que cela n’apporterai rien, et ne ferait que faire courir encore plus de risques à son pokémon.
Mais peu importait, pour l’instant, il devait se contenter de continuer à marcher, et de préférence vers une ville habitée. Ses réflexions rappelèrent à Sebastian qu’il n’avait strictement aucune idée de l’endroit où il se situait, et il devrait donc demander son chemin à quelqu’un afin de trouver la route vers Merelda.
Mais peu importait : la seule chose qui comptait pour l’instant était de trouver un endroit pour dormir. La nuit serait froide, et solitaire, Michael étant probablement mieux dans sa pokéball qu’au milieu de nulle part.
Son voyage continuait…