Vacances forcées du Professeur [RP Solo]

21 Décembre 654, 23h41

Cela faisait maintenant quatre jours que Rudolph Estenia travaillait sans interruption dans son Laboratoire. Qu'y faisait-il ? Tous l'ignoraient, le Département Scientifique et Rudolph Estenia gardant jalousement ses secrets, ne divulguant aux instances dirigeantes du Groupe que l'état d'avancement des projets scientifiques légalement décidés par le Conseil d'Administration de la Sylphe SARL. Ces projets étaient le plus souvent des programmes de clonage de pokémons de faible valeur marchande, ou parfois des objectifs ciblés en matière de recherche et développement. Mais ce n'était en réalité que la face émergée de l'iceberg, et à vrai dire seul le Professeur savait véritablement ce qui se faisait dans son Département - rarement des choses très correctes du point de vue de la déontologie d'ailleurs, et pourtant ces choses se faisaient

Depuis plusieurs années en effet, Rudolph Estenia travaillait d'arrache-pied à un projet secret, dont il était le seul à connaître l'existence, mais qui prit au fil des années un poids de plus en plus important dans sa vie, professionnelle d'abord, personnelle ensuite. Ce projet, c'était la création d'une créature hybride au génome parfait, capable d'intégrer tous les gènes de tous les pokémons existants. Trop souvent en effet lorsqu'il s'amusait à "jouer" avec l'organisme des Invendus de cette si délicate firme, il causait la mort de ces pokémons à cause d'un phénomène hélas d'un phénomène très banal : le rejet. Le rejet de certaines transplantations et mutations métaboliques par l'organisme des pokémon receveurs agacait en effet terriblement le Professeur, retardant constamment ses travaux sur la génétique des pokémon. Ce projet fou lui prenait des nuits entières, et pourtant il y croyait. Mais pour avancer dans le processus de création du cobaye parfait, il avait besoin de tissus vivants en grande nombre et de grande qualité, ainsi que les cellules des pokémon les plus aptes à supporter de violents changements d'état. Le problème, c'était que la Sylphe ne lui donnait que les plus mauvais pokémon, les plus rares et les plus intéressants pour la Recherche etant constamment vendus avec des profits mirobolants. C'est pourquoi il ne cessait de travailler à la synthèse de tissus vivants de pokémons rares, sans succès pour le moment. Il manquait de ressources, aussi puissant et redouté pouvait-il être, le Professeur vivait dans ce Laboratoire comme dans une prison : loin de la nature et des meilleurs specimens, et cela l'insupportait de plus en plus au fil des mois.

Bien entendu, il ne laissait rien transparaitre comme à son habitude, mais néanmoins la Sylphe, ce groupe obsédé par le profit, Rudolph commencait de plus en plus à la haïr. Non pas parce qu'elle était contraire à ses convictions morales : après tout, il était tout aussi machiavélique que ses supérieurs. Mais parce qu'il trouvait cette firme insatisfaisante pour son profit personnel. Pour la fuir, il travaillait sur son projet secret, mais à mesure qu'il avancait il commencait à entrevoir à quel point ses conditions de travail étaient médiocres. Depuis quelques années, les fonds alloués à la recherche ne cessaient de décroitre, au profit de la corruption politique que la Sylphe exercait de plus en plus sur la vie politique nationale.

Toujours est-il que le Professeur était mécontent : en quatre jours de travail, il avait épuisé tous ses stocks, et il avait beau en réclamer d'autres, il ne rencontrait de la part de ses supérieurs qu'incompréhension et doute. Quoi de plus logique, dans la mesure où ils n'attendaient de lui au fond que quelques sommaires opérations de clonage et un peu de recherche génétique pour améliorer la rentabilité et l'efficacité du clonage, et non pas des programmes scientifiques de grande ampleur. Pas de quoi exiger des kilotonnes de tissus de Wailord donc.

Et en pensant à cela et à sa situation somme toute misérable, et pourtant à des années lumières des services de recherche de la Devon, rival de toujours de la Sylphe, en matière d'équipements scientifiques de pointe, le Professeur contemplait sa "Merveille" comme il l'appellait, placée dans une grande capsule remplie de produits chimiques douteux, et se disait secrètement :

- Ma Merveille...Tu es la seule richesse qu'ils ne m'aient prise. Ils ne t'auront pas, je te ferais naître et nous partirons loin de ces imbéciles ignares qui croient me contrôler. Oui, bientôt ma libération arrivera...

Le Professeur parlait tout seul à une chimère hideuse, dont la tête ressemblait à un patchwork entre les yeux d'un Grahyena, la peau d'un steelix, les dents d'un Granbull et diverses autres parties d'organismes de pokémon mis à morts pour l'accomplissement du projet fantasque du Professeur Estenia. La bête semblait prête à s'animer, à éclater sa prison de verre renforcé et à déchiqueter le corps de son créateur avec toute la bestialité que sa tête laissait penser.

L'homme frustré resta ainsi pendant plusieurs minutes, sans s'apercevoir que son Galekid, ayant sorti entretemps son museau de sa poche droite et regardant les environs, avait aperçu une ombre fugitive se déplacer dans l'obscurité des laboratoires et, soudainement, bondir derrière le Professeur, une massue à la main afin de l'assommer. Une fois son forfait fait, l'ombre fugitive, qui s'avérait en fait être celle d'un homme de taille moyenne, mit le corps sans vie du Professeur dans un épais sac hermétique, son pokémon avec, avant de sortir par l'escalier des Laboratoires qui menait vers la sortie arrière du Siège de la Sylphe SARL. Puis, il s'enfuit au coeur de la nuit, portant sur son dos le corps sans vie du Directeur du Département Scientifique de la Sylphe, vers une destination inconnue...

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